Les jeunes programmateurs de Bande à Part

Bande à part

Jacky Caillou
Interview du réalisateur, Lucas Delangle par les jeunes
programmateurs de Bande à Part

Les jeunes programmateurs du groupe Bande à Part ont découvert le 15 octobre dernier, le film Jacky Caillou. Ils ont décidé, après le visionnement de soutenir le film (sorti le 2 novembre) et ont souhaité poser des questions au réalisateur.

Tout d’abord, et vous avez sûrement déjà dû répondre de nombreuses fois à cette question,
comment vous est venue l’idée de Jacky Caillou ? En effet, cette histoire de magnétiseur et
magnétiseuse est très originale : avez-vous personnellement un rapport avec ce monde de la
médecine parallèle et de la spiritualité ou bien était-ce de la pure imagination pour les besoins de
la fiction, de la curiosité de votre part pour ce sujet ?
L.D : Un peu des deux ! Je suis né dans un petit village en Sarthe, un lieu qui compte beaucoup
de magnétiseurs que l’on appelle les rebouteux. Mon père est le médecin généraliste du
village. Enfant, il me racontait des histoires de magnétiseurs et cela me fascinait. Ensuite,
quand j’ai commencé à écrire le scénario avec Olivier Strauss, j’ai voulu rencontrer des
magnétiseurs : à la fois des gens considérés comme des charlatans et puis des gens qui
n’avaient pas beaucoup de mots pour décrire ce qu’ils faisaient, qui étaient plus modestes dans
leur pratique. Ils pouvaient par exemple soigner le zona, les brûlures, les douleurs liées au
ventre, les émotions. C’est donc un mélange entre des souvenirs d’enfance et une curiosité.
Un jour, j’ai rencontré une dame qui exerçait son don de magnétiseuse avec un maître, je ne
comprenais pas pourquoi et elle m’a expliqué que son fils était très malade et qu’elle espérait
pouvoir le sauver. Finalement, ce film trouve sa source dans l’espoir et dans une sorte de
fascination pour le monde de l’invisible. L’espoir dans le film est à la fois celui des patients,
mais aussi celui de Jacky qui veut les sauver.

Est-ce que des livres, des films ou d’autres formes d’art, vous ont particulièrement inspiré pour
l’écriture aussi bien scénaristique que formelle ?
L.D : Il y a effectivement plusieurs influences. Un livre de l’anthropologue Jeanne Favret-
Saada, sur les rebouteux en Mayenne. Une bande-dessinée qui s’appelle Silence de Didier
Comès sur une figure de sorcière et un idiot du village. Au début d’ailleurs, Jacky était
supposé être une figure d’idiot et puis cela m’a moins intéressé par la suite. J’ai plutôt orienté
ce personnage vers la figure de l’artiste et du musicien, celui qui est dans la lune. Les
références sont souvent inconscientes, elles sont mouvantes à chaque étape de création, au
moment du scénario, puis du tournage et enfin du montage. Il y a des films français qui
partent d’un point de vue très réaliste au début, comme les films de Guiraudie, de Bruno
Dumont, ou un film italien Heureux comme Lazzaro (Alice Rohrwacher) avec un principe
assez naturaliste dans le traitement, mais qui présente également une sorte de présupposé
magique.

Votre film a effectivement la particularité de convoquer le fantastique et l’extraordinaire tout en
restant très ancré dans la réalité, pourquoi ce choix ?
L.D : Parce que j’avais l’impression que pour une histoire de magnétiseur aujourd’hui, il ne
fallait pas apporter la dimension magique par un travail avec les effets spéciaux. J’avais
l’impression qu’on y croirait plus si on était plus simple et direct, que les personnages soient
mal assurés par rapport au mystère qui les entoure et donc de faire un film qui ne serait pas
dans les codes du cinéma de genre. Je voulais plutôt que le film prenne la tournure d’une
histoire ancienne, celle qui se transmet à l’oral, d’un conte qui se serait raconté au coin du
feu. C’est pour cela que j’ai pris non seulement des comédiens, mais aussi des acteurs non
professionnels car leur vérité, leur fragilité, aident à croire à cette histoire de magnétisme.

Dernièrement, quelles sont les difficultés que peut rencontrer un.e jeune réalisateur.rice pour
aboutir à la production de son premier long-métrage, étant donné l’affaiblissement de l’industrie
du cinéma français, mais aussi au regard de l’originalité d’un scénario comme le vôtre ?
L.D : La difficulté dans la production d’un film comme le mien réside principalement dans le
fait que je ne suis pas connu, les acteurs non plus. C’est donc sur le scénario et mes intentions
que tout repose, il faut convaincre par des mots, il faut écrire et réécrire très longuement. Le
but est de clarifier pour donner envie de voir et donne envie à des commissions de donner des
financements. La difficulté est de garder une envie de cinéma et de s’y tenir pendant tout ce
temps d’écriture et réécriture.

Les jeunes programmateurs de Bande à Part : Angélyne, Charlotte, Corentin, Faustine, Gabrielle, Giovanna, Iman, Julie, Lou, Maëlle, Maia, Margaud, Mila, Nina, et Youn
Médiatrice culturelle public jeune
Agathe Rousset